Par les soirs bleus d’été

Par les soirs bleus d’été, texte du court-métrage, par Alice Marie Martin pour le collectif Belle de Nuit
Le titre est un extrait du poème Sensations d’Arthur Rimbaud, 1870

Nous savons que lorsqu’elle s’éveille, la douceur de la rosée la remplit d’une joie immense. Nous sentons la vibration de son corps dans les arbres, les animaux, les champignons, les pierres. Elle se métamorphose en arbre, en loup, en oiseau. Elle se divise sans se diluer, elle est dans tout ce que nous touchons. Les plantes portent dans leur sève une part de son souffle, les femmes qui se perdent en elle deviennent ses yeux. Comme nous, qui la servons, qui l’aimons. Nous lui offrons des fleurs qu’elle change en humus. Sa sérénité souveraine nous enjoint à écouter le chant des oiseaux, le craquement des feuilles. Elle sent le mouvement de l’air sur notre épiderme, elle connaît par coeur le bouillonnement de nos corps.

Nous foulons la terre qu’elle a sculptée, nous nous abritons en elle comme des enfants dans les bras d’une mère. Le vent dans nos cheveux est une caresse. Elle prend soin de nous, elle nous nourrit. Quand vient la nuit, sa présence s’estompe. Le goût du sang vient à nos lèvres alors que des yeux jaunes s’ouvrent et des mâchoires claquent dans l’obscurité. Nous apprenons à danser avec les ombres. Les premiers jours, nous la cherchons, avant de comprendre qu’elle disparaît au crépuscule. Alors, jusqu’au matin, nous repoussons les chimères avec les armes que nous avons fabriquées. Nous continuerons à veiller pendant la nuit jusqu’à ce qu’elle nous change aussi en humus.

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